Un témoignage d'une amie que j'ai encordée et qui témoigne avec force talent de ce qu'elle a ressenti dans mes cordes. Le texte est à retrouver sur son blog à cette adresse : https://morceauxdesprit.wordpress.com/2016/08/23/shibari/
SHIBARI
Ce moment où je suis nue ou presque … pas lui ; où mes yeux ne voient plus, dissimulés derrière le foulard doux.
L’instant où je perçois sa présence proche de mon dos, mes genoux sur le sol, puis qu’il m’invite à m’appuyer contre lui, pour mieux passer la première corde.
C’est lorsque je sens celle-ci contre mon buste qu’elle me surprend, tellement sa douceur et sa fermeté m’étonnent, ou bien quand je m’abandonne progressivement, me laissant aller aux mouvements proposés.
Puis que mes autres sens s’affinent, prêts à entendre, à sentir la moindre sensation, le délicat bruissement d’air, la chaleur soufflée sur ma peau.
Ou que je les sens, ces cordes s’affirmer autour de moi, une, deux, trois, je ne compte plus, je ne fais que sentir l’épaule, le ventre, ou la cuisse entourée de la longueur de lin, presque comme un câlin.
Lorsque les premiers serrements se font plus forts, des questions me viennent, quoi ! comment ! où !? Puis s’éloignent vite, laissant la place à la seule sensation, de mon corps abandonné à ses mains assurées de donner.
Donner quoi ? le temps, l’effleurement de ses mains, de son souffle sur ma peau, plus puissant que la caresse la plus forte… quand la délicatesse d’une paume, touche mieux que la lourdeur d’un mot.
Les sons dans le presque silence de la musique en filigrane de ces moments étranges, sont exacerbés par les crissements des cordes qui s’enroulent et se croisent, ou alors qu’une nouvelle entre dans le jeu…
Le jeu, justement, ou taquin, il laisse tomber d’un coup sur ma cuisse, ces quelques mètres qui vont m’encorder bientôt, comme la promesse du plaisir, de la caresse, de la douceur, de la fermeté mélangé.
Étrange ballet des mains, de la peau, de la chair, et toujours ces cordes qui font comme une musique autour de nous, le temps semble suspendu, comme moi ; je me sens entre deux mondes, à la fois endormie par la détente qui monte en moins, et les sens en alerte de chaque mouvement qui m’entoure, chaque parfum s’offrant à mes narines...
Les cordes s’enchaînent comme les douceurs effleurent ma peau, comme le bien-être et le plaisir d’être juste là à cet instant grandissent.
Les mains s’entraînent à parcourir la chaleur de mes courbes, comme des ailes douces, juste là pour me faire plaisir, dessinant leur route, passant par un bras, un sein, la douceur et la finesse de la peau de l’aine.
Les « jamais » et les « peut être » ou les « sûrement pas » s’effacent devant les « oui je veux bien … » , « comme j’aime » … ou juste au gémissement de plaisir devant la sensation nouvelle de ces partages particuliers.
Quand après ces quelques heures hors de la réalité, je me retrouve allongée sur le sol, les bras, les mains, les jambes entravés, presque incapables de bouger sans être balancée par le hochement proposé.
Quand les cordes font le chemins inverse, quand une par une, il les dénoue, les coulisse sur mon corps marqué de leur passage, je me laisse étendre, presque inerte, incapable du moindre mouvement sans son aide,
Quand pour poursuivre son œuvre il me redresse, tellement mon corps s’est transformé en poupée de chiffon, suis-je dopée ? endormie ? droguée ? Non, juste changée, par ces heures étrangement enlacée.
Encore quelques secondes je me rassemble, allongée en chien de fusil, presque redevenue enfant, bébé, fœtus, régression choisie, rassurante, enivrante, surprenante, avant de revenir au monde de la normalité, de l’adulte assumée, contrôlée…
Conclusion d’un grand voyage vécu, justement sans bouger.
on a envie de vivre ce voyage ... ou plutôt j'ai envie d'éprouver ...